Les épreuves du bac se déroulent dans les caves du château de Laval, car les bombes tombent sur la ville. Marie-Joe est contente de son devoir de français. Elle a longuement parlé de Berthe Bernage, l'auteur de la série "Brigitte".
Des années plus tard, en retrouvant des Brigitte, en les relisant avec un regard différent, elle cherchera à comprendre pourquoi elle a tant aimé cette écrivaine...

vendredi 14 septembre 2007

les hommes...suite...Alain, le retour...

A quoi rêve Berthe, la célibataire en nous racontant ces flirts innocents ? Elle est fine psychologue et sait que les hommes ont de l'importance dans la vie des femmes. Il est inutile de présenter un modèle d'épouse extrèmement rigide et fidèle. Il est important de montrer que le doute , la fatigue, la tristesse existe. La femme qui résiste sera d'autant plus méritante...
C'est le cas de Brigitte dans "Brigitte maman":
Olivier est parti en Palestine. Roseline étant malade, Brigitte a renoncé au voyage...Son cafard est grand. Heureusement Yves et Arlette l'invitent à une soirée...Et bien sûr Alain Doret est présent:
"Nous avons causé, nous avons dansé. Il fut correct, respectueux; mais comme autrefois, un petit vent de septicisme passait sur mon beau jardin d'âme. Il ne railla, ne blâma rien ouvertement. Alors pourquoi trouvai-je ma vie étroite, mon mari austère, mes devoirs maternels pesants ? Et comment arrivai-je à flirter, moi, la femme d'un Olivier ?"
et une lettre d'Olivier arrive, il est très gai, peint beaucoup et surtout il a rencontré Françoise Martin "cette belle artiste qui me rendit jalouse autrefois"...le lendemain donc...
"Roseline fut bousculée par sa maman qui tira des cheveux en la coiffant, mit du savon dans ses yeux, envoya quatre ou cinq petites tapes, refusa un bonbon...et je décidais de me distraire...Je retrouvai Alain-le-mauvais-génie, je le retrouvai partout, au concours hippique, au tennis, au Salon. Quel brio ! Et que cela m'amusait de l'entendre jongler avec les idées ! J'avais l'impression étrange qu'il m'entraînait dans un monde nouveau, monde féerique et défendu où les choses avaient une autre âme. Etait-ce un flirt ? ou un renoncement de mon idéal ?"
Bien sûr la tentation n'est que passagère et bientôt Brigitte se remet à attendre son "croisé"...
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Tout au long des Brigitte, le mot beauté revient...beauté des visages, des paroles, des gestes...le goût des jolies choses, robes, musique, danse ...
La mère de Berthe était une femme douce, vivante, gaie, créative...Geneviève et sa soeur passe du temps à visiter les expositions, rencontrer des artistes, lire de beaux livres, décorer l'appartement...Le mot laideur revient aussi souvent, la laideur de la petite Marie (et j'avoue qu cette expression m'a choquée profondément) Zélie la laide, Jacquotte...bien sûr cette laideur n'est que physique, elle est "transfigurée par l'âme" mais elle est présente...
et le bal, la musique, les jolies robes et à la rigueur un flirt innocent sont de "jolies" choses, donc des choses qui tentent...la chair est absente, même pas un baiser, mais l'esprit est troublé, les têtes tournent délicieusement...
C'est difficile, lorsqu'on est femme, intelligente, parisienne, cultivée de passer à côté des libraires qui vendent "La garçonne", des affiches de music-hall...et ce n'est qu'un petit péché...puisque le remords n'apparaît point, même pas entre les lignes...Tout ceci est très mondain et fait d'autant plus rêver les femmes de la campagne, les ouvrières, celles qui ne connaîtront jamais tout celà...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Oh, pour Alain Doret, en relisant ton article précédent, je me disais qu'elle avait finalement assez bien dépeint ce genre d'homme. On disait "flirt" en 1925, on dit "dragueur" aujourd'hui. Et il s'en trouve, des hommes comme ça, même sur le Net. C'est étrange. Pratiquer une drague préhistorique et croire que ça va marcher.

Chose étrange, Chantal (la future religieuse) est beaucoup plus lucide sur Alain Doret que Brigitte.

Plus tard, en somme, elle reprend ses personnages et les habilles différemment, là, Doret n'est plus un flirt c'est un libertin, dirais-je plutôt. (Scepticisme, etc.)

Je me souviens d'un livre, qui traînait dans la cave chez mes parents, un bouquin absolument hallucinant: "Romans à lire et romans à proscrire" de l'Abbé Bethléem (peut-être faire une recherche google? On trouvera peut-être quelque chose là-dessus).

Toute la littérature française (Proust, Gide, Balzac, Rousseau, les philosophes des lumières, etc.) est à l'index. J'étais médusée le jour où j'ai découvert ça. Vraiment médusée. En revanche, les Berthe Bernage (et de manière générale, les livres des Veillées des Chaumières) pouvaient être mis dans les mains de toutes les jeunes filles et de toutes les jeunes femmes.

Une fois que la chronique des Brigitte se systématise, elle sert à mon avis à donner un socle de valeurs aux femmes (qui ne faisaient pas toutes partie de la bourgeoisie intellectuelle parisienne), (église, famille, patrie), avec de l'intelligence bien sûr (genre, comme dirait une autre écrivaine - qui a aussi lu B. Bernage "ils veulent qu'on ait un cerveau et qu'on ne s'en serve pas".

Donc, de l'intelligence et de la culture. Et du courage (il faut pouvoir se mettre à travailler en cas de besoin).

Chose amusante, de "La semaine de Suzette" à "Lisette" (un autre journal pour petites filles de l'époque), les valeurs changent subtilement. Dans LSS, ce sont des valeurs "nobles" famille, église, clergé, enseignement religieux, mésalliances, mariage, etc. respect des titres de noblesse,

et dans "Lisette" ce sont des valeurs beaucoup plus bourgeoises: chaque femme doit pouvoir travailler honnêtement et courageusement, quasi dans toute circonstance. Avec des nuances, bien sûr...

En tout cas, c'est sûr que lire tout ça, c'est rafraîchissant...