Les épreuves du bac se déroulent dans les caves du château de Laval, car les bombes tombent sur la ville. Marie-Joe est contente de son devoir de français. Elle a longuement parlé de Berthe Bernage, l'auteur de la série "Brigitte".
Des années plus tard, en retrouvant des Brigitte, en les relisant avec un regard différent, elle cherchera à comprendre pourquoi elle a tant aimé cette écrivaine...

vendredi 14 septembre 2007

les hommes...suite...Jacques Rémillot...

"Brigitte maman" page 68...
"Jacques Rémillot _ l'ami d'Olivier, qui gâte follement notre fille_ lui fit hommage d'une ravissante "pimbêche en chiffons"."
Il y a quelque temps Sarn, une de nos correspondantes évoquait ce prêtre qui aima Brigitte.
Ce personnage est très "curieux" et l'attitude d'Olivier ne l'est pas moins...
Les deux hommes sont très amis et on commence à "jaser"...même Huguette le remarque et évoque "certain Jacques Rémillot qui te regarde avec des yeux de chien fidèle. Il t'adore ce garçon là".
Brigitte proteste: "Olivier l'aime beaucoup et nous le recevons souvent. je flirte si peu avec lui que je cherche à le marier."
Même la douce maman s'en mêle:
-" Les amis de Jacques Rémillot...As-tu réussi à le marier, Brigitte ?
Je réponds, rougissant un peu:
-Mais non. Il est difficile.!...Mais revenons aux Jonquières"
Brigitte lutte...
"...je tiens le pauvre Jacques Rémillot à distance. Ce Jacques, dire que je ne puis l'éloigner tout à fait ! Olivier éprouve tant de plaisir à le voir que j'hésite à priver mon austère mari de cette amitié charmante. Mais quand l'amitié s'établit entre homme et femme, que l'équilibre est donc difficile, pauvre petite Brigitte ! "
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Olivier se montre souvent d'une naïveté désarmante...Tout le paradoxe est là...
Dans ce monde des Brigitte ,les hommes sont les plus forts , les plus puissants, bref les esprits supérieurs,
et pourtant Berthe nous les dépeint souvent comme de grands enfants,
inconscients de la réalité...
Alors, où se situe l'auteur par rapport aux féministes ?
Colette Cosnier et bien d'autres ont violemment attaqué Berthe et ses Brigitte ...
"Durant la période de Vichy, des antiféministes s'affirment féministes : dans la très populaire série des Brigitte de Berthe Bernage, l'héroïne proclame qu'« être féministe, c'est accomplir le beau métier de femme et de maman » ( Colette Cosnier, "le silence des filles"p. 246).
Les femmes de Berthe Bernage sont soumises et plutôt sages, mais Berthe est une intellectuelle
et je pense qu'elle ne peut admettre que les hommes aient le monopole de la pensée...
Ils sont les maîtres du foyer, apportent l'argent (mais ne gèrent pas grand chose),
commandent souvent,
mais au fond ne comprennent pas grand chose à l'âme féminine...
Berthe n'éprouve -t-elle pas un certain plaisir à évoquer la naïveté d'Olivier ?
A moins que...à moins qu'en femme intelligente,
elle ne rêve d'amitié masculine...

les hommes...suite...Alain, le retour...

A quoi rêve Berthe, la célibataire en nous racontant ces flirts innocents ? Elle est fine psychologue et sait que les hommes ont de l'importance dans la vie des femmes. Il est inutile de présenter un modèle d'épouse extrèmement rigide et fidèle. Il est important de montrer que le doute , la fatigue, la tristesse existe. La femme qui résiste sera d'autant plus méritante...
C'est le cas de Brigitte dans "Brigitte maman":
Olivier est parti en Palestine. Roseline étant malade, Brigitte a renoncé au voyage...Son cafard est grand. Heureusement Yves et Arlette l'invitent à une soirée...Et bien sûr Alain Doret est présent:
"Nous avons causé, nous avons dansé. Il fut correct, respectueux; mais comme autrefois, un petit vent de septicisme passait sur mon beau jardin d'âme. Il ne railla, ne blâma rien ouvertement. Alors pourquoi trouvai-je ma vie étroite, mon mari austère, mes devoirs maternels pesants ? Et comment arrivai-je à flirter, moi, la femme d'un Olivier ?"
et une lettre d'Olivier arrive, il est très gai, peint beaucoup et surtout il a rencontré Françoise Martin "cette belle artiste qui me rendit jalouse autrefois"...le lendemain donc...
"Roseline fut bousculée par sa maman qui tira des cheveux en la coiffant, mit du savon dans ses yeux, envoya quatre ou cinq petites tapes, refusa un bonbon...et je décidais de me distraire...Je retrouvai Alain-le-mauvais-génie, je le retrouvai partout, au concours hippique, au tennis, au Salon. Quel brio ! Et que cela m'amusait de l'entendre jongler avec les idées ! J'avais l'impression étrange qu'il m'entraînait dans un monde nouveau, monde féerique et défendu où les choses avaient une autre âme. Etait-ce un flirt ? ou un renoncement de mon idéal ?"
Bien sûr la tentation n'est que passagère et bientôt Brigitte se remet à attendre son "croisé"...
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Tout au long des Brigitte, le mot beauté revient...beauté des visages, des paroles, des gestes...le goût des jolies choses, robes, musique, danse ...
La mère de Berthe était une femme douce, vivante, gaie, créative...Geneviève et sa soeur passe du temps à visiter les expositions, rencontrer des artistes, lire de beaux livres, décorer l'appartement...Le mot laideur revient aussi souvent, la laideur de la petite Marie (et j'avoue qu cette expression m'a choquée profondément) Zélie la laide, Jacquotte...bien sûr cette laideur n'est que physique, elle est "transfigurée par l'âme" mais elle est présente...
et le bal, la musique, les jolies robes et à la rigueur un flirt innocent sont de "jolies" choses, donc des choses qui tentent...la chair est absente, même pas un baiser, mais l'esprit est troublé, les têtes tournent délicieusement...
C'est difficile, lorsqu'on est femme, intelligente, parisienne, cultivée de passer à côté des libraires qui vendent "La garçonne", des affiches de music-hall...et ce n'est qu'un petit péché...puisque le remords n'apparaît point, même pas entre les lignes...Tout ceci est très mondain et fait d'autant plus rêver les femmes de la campagne, les ouvrières, celles qui ne connaîtront jamais tout celà...